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mardi 1 juin 2010

"Rarement la chasse aux économies aura fait aussi peu de cas de l’intérêt des élèves et de toute réflexion sur les finalités de l’école"

"Rarement la chasse aux économies aura fait aussi peu de cas de l’intérêt des élèves et de toute réflexion sur les finalités de l’école" à lire dans le communiqué du PS suite à la publication par Le Monde d'une "présentation"[1] à l'occasion d'une réunion "Dialogue Centrale - Académies" tenue au Ministère de l’éducation nationale le 5 mai 2010.

On a déjà beaucoup (à juste titre) critiqué ce document et en particulier l'idéologie qu'il sous-entend. Mais je voudrais insister sur 3 aspects qui n'ont été que peu repris : l'aspect technocratique, les différences public / privé et la manipulation sur la méthode.

Technocratique

Le langage employé est évidemment simple, compréhensible, dénué de lourdeur et, en particulier, la présentation du sujet montre, en peu de mots, combien il est facile de dire les choses de manière compréhensible :

mobiliser les gisements d’efficience visant à respecter la contrainte du non remplacement d’un départ sur deux pour la période 2011/2013, sans dégrader les performances globales.

Je ne sais pas qui sont les gisements d'efficience mais je doute qu'ils apprécient !

J'aime aussi :

les résultats sont à rapprocher de valeurs de référence afin de susciter une analyse approfondie et contextualisée des marges possibles

Bref du charabia interne mais où l'usage de sigle ne suffit pas à cacher la brutalité de la mesure :

amélioration du rendement des TZR

transformation d’heures postes en HSA
HSE substituées à des HSA

Essayons de traduire un peu. TZR, c'est un titulaire sur zone de remplacement. En fait, un de ces (pas assez nombreux) enseignants qui assurent les remplacements de collègues malades ou absents afin que les enfants ne soient pas (trop) pénalisés quand leur instit est pas là. Un de ceux qu'on appelle le matin pour leur dire qu'ils vont travailler à 8h avec le Ce2 de l'école San Antonio de Saint-Locdu-le-vieux.

Ben mes cocos va falloir améliorer votre rendement !

Heures postes, HSA et HSE : une heure poste c'est un heure d'enseignement devant les élèves. Une HSA c'est une heure supplémentaire année. Une HSE c'est une heure supplémentaire effective.

Imaginez que la principale du collège de Saint-Locdu-le-vieux doive (c'est dans les programmes à la rentrée) organiser une heure de cours par semaine de "novlangue" pour sa classe de 3ème Z. Patatras, pas un prof de "novlangue" de disponible dans l'académie, impossible donc de rémunérer quelqu'un 1heure pendant les 52 semaines de l'année. Qu'à cela ne tienne, il n'yaka demander à un enseignant de serbo-croate[2] d'assurer une heure supplémentaire année. Et voilà, hop 36 heures seulement à rémunérer, le nombre de semaines "scolaires". (Au passage le nombre maximum d'HSA par enseignant est de 4 par an et la première est obligatoire pour les "besoins du service").
Heures postes en HSA c'est donc la version éducnat de "travailler plus..." vous savez le truc qui ne marche pas, qui ne crée pas d'emploi et ne favorise que ceux qui ont déjà un job.

Mieux, le document propose de transformer non seulement des postes de profs en heures sup "normales" (HSA) mais même d'en faire des HSE. Revenons à notre exemple, re patatras pas non plus de prof de serbo-croate "utilisable". Qu'à cela ne tienne, quelques éminents spécialistes l'enseignant de latin, celle de géographie et celle de chinois se relayeront pour assurer une vingtaine d'intervention en "novlangue" pour nos fameux 3ème Z. Miracle ! Seulement 20h à payer en HSE. Plus de 50% d'économie. Bon, c'est pas grave, la "novlangue" c'est pas important, si les jeunes n'ont pas eu d'enseignant dont c'est la spécialité, si ils ont eux 2/3 des cours seulement ça suffit bien. L'important est ailleurs !

Public / privé

L'école publique doit faire des économies. C'est un dogme ! Mais l'école privée, dont les enseignants sous contrat sont rémunérés par nos impôts ?

Et ben non ! Il est urgent d'attendre :

Les mesures identifiées seront ultérieurement déclinées à l’enseignement privé.

Je traduis (avec mon mauvaise esprit coutumier) qu'il s'agit plus de faire baisser le nombre de fonctionnaires que de rechercher de réelles économies.

Diviser pour régner

Le plus pathétique c'est que la volonté de "traiter" au cas par cas est revendiquée ;

"J'ai choisi une méthode qui consiste à ne pas décider de manière autoritaire depuis le ministère mais à travailler académie par académie, école par école à partir de besoins locaux" déclare Luc Chatel dans une citation reprise par Le Monde [3]

Et que cette "individualisation" est contradictoire avec ce qui est écrit dans la présentation :

L’identification des « gisements » doit se faire indépendamment des situations de sur ou sous-dotation, du respect des enveloppes d’emplois et de masse salariale et des contraintes démographiques qui seront introduits dans l’exercice ultérieurement.

Notes

[1] format pdf, 14 pages, 873 Ko

[2] J'ai rien contre le serbo-croate, c'est juste que ça sonne bien.

[3] Chatel défend la politique de suppression de postes dans l'éducation