Épître à Michel Rocard.

Monsieur le Premier ministre,
Cher camarade,

Depuis plusieurs jours, plusieurs semaines même, je souhaite vous adresser cette épître. Ce n'est pas seulement pour faire le pitre sur le net : l'e-pitre, mais pour vous faire part de mon sentiment sur les travaux de la commission que vous co-présidez avec Alain Juppé sur ce que communément on appelle le « grand emprunt ».

Sachez, monsieur le Premier ministre, que le « camarade » que je suis désapprouve votre choix de participer à cette commission. Votre caution à ses travaux renforce le sentiment de toute puissance de la sarkozye. Et je regrette la connivence de fait qui s'établit avec les attitudes abjectes de quelques traitres que seul le bon mot de Coluche permet de nommer : sinistre.
Mais je sais, monsieur le Premier ministre, votre dévouement, votre probité, l'attachement – au-delà des idéologies – que vous avez pour le bien commun, l'intérêt collectif, le service de l'État, l'avenir de la France ; et je sais que sont ces valeurs qui ont emporté votre choix.

Mais trêve de prolégomènes, vous co-présidez la commission chargée de réfléchir aux priorités justifiant un effort exceptionnel d’investissement[1], permettez-moi, monsieur le Premier ministre, comme d'autres je le sais le feront pour leur paroisse de vous souffler les mots de fibre optique.
Je ne suis, pour ma part, nullement associé dans un quelconque enjeu financier ou un engagement auprès de quelques structures que ce soit, ma parole est libre et je l'espère désintéressée.

Raccorder chaque foyer français en fibre optique donnerait à la France un avantage dans la compétition internationale. Ce raccordement systématique nous ferait basculer dans l'économie de la connaissance de ce monde du 21ème siècle qui sera de toute évidence connecté.

Je ne veux pas dans cette courte missive développer tous les avantages de ce « câblage », des spécialistes, des experts le font et le feront mieux que moi. Mon seul but est d'attirer votre attention sur cette piste de réflexion. Je souhaite cependant insister sur trois points :

  • Un équipement d'avenir qui lutte contre les inégalités. Les différences de facilité dans l'accès aux informations constituent -on le sait depuis Gutemberg- une des clés de l'augmentation des inégalités sociales. Et permettre à tous, en particulier aux plus jeunes âges, d'appréhender le monde dans sa globalité et dans sa complexité est, sans doute, à l'inverse, un bon moyen de lutter pour une réelle égalité des chances.
  • Une infrastructure qui aménage le territoire et permet de lutter contre l'effet d'attraction des seules mégalopoles dont on sait que leur développement pourrait provoquer une vague d'exode comparable à l'exode rural du début du vingtième siècle.
  • Des investissements que seul l'État peut impulser. Le plus gros est fait mais le plus dur reste à faire ! L'équipement du territoire en fibre optique se fera (c'est le sens de l'Histoire) et le plus gros des travaux ont déjà été réalisés (les grandes « dorsales ») mais le plus dur reste à faire : la capillarité fine vers la moindre maison. C'est là que l'État et son grand emprunt ont toute leur légitimité. Apporter à tous le réseau de demain comme il y a plusieurs décennies on a amené l'électricité dans le dernier des hameaux, relève de l'ambition nationale qu'un engagement financier fort associé au leadership de l'État peut seul permettre.

Je ne doute pas que nous partageons ces aspirations à faire demain une France plus forte économiquement car mieux préparée au défi de la société de la connaissance.
Je ne doute pas que nous partageons ces aspirations à faire demain une France plus juste car l'État aura garanti à chacun l'accès, dans des conditions territoriales et financières comparables, aux outils pour mieux vivre (télé-enseignement, télé-médecine, ...).
Je ne doute pas que nous partageons ces aspirations à faire demain une France plus respectueuse de la planète en permettant par la technologie optique de limiter les déplacements sans éloigner des centres de pouvoirs.

J'espère que ce grand emprunt sur lequel vous réfléchissez, contribuera à un avenir meilleur. Et si demain nous avions la fibre Rocard ?

Recevez, monsieur le Premier ministre, l'assurance de ma très haute considération
et, cher camarade, l'expression de mes fraternelles amitiés socialistes.

Notes

[1] communiqué