François Auguste entrave la circulation d’un aéronef

''L'humanité'' rapporte dans ses colonnes :

Délit de solidarité ?

L’invité de la semaine :

François Auguste, vice président de la Région Rhône-Alpes, délégué à la démocratie participative

Je suis convoqué par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel de Lyon le lundi 7 mai à 14 heures pour « entrave à la circulation d’un aéronef afin de soutenir des personnes faisant l’objet d’une reconduite à la frontière ».
Le 2 décembre dernier, je prenais un avion, avec le responsable de la direction « relations avec les citoyens » de la région, pour partir en Inde préparer des Rencontres mondiales qui vont se tenir en décembre en Rhône-Alpes sur le thème : « La démocratie participative du local au mondial, pour quel développement ? » À la file d’attente, des militants de RESF distribuaient un tract informant les passagers qu’une famille de Kosovars, la famille Raba, s’y trouvait pour être expulsée. Je ne connaissais pas le cas de cette famille. Mais j’y ai été sensibilisé, ayant moi-même parrainé un jeune en Isère et une famille dans le Rhône qui ont été régularisés, et ayant contribué à organiser à la région une importante cérémonie de parrainage de sans-papiers.

Je suis donc allé voir le commandant de bord, lui ai décliné mon identité d’élu et lui ai demandé de ne pas faire décoller l’avion. Il m’a dit comprendre ma position au plan humain, mais qu’il ferait décoller l’avion. Je me suis donc adressé aux passagers pour leur exposer le problème et leur demander d’agir avec moi. Je n’ai pas eu le temps de finir mes propos. Trois policiers m’ont ceinturé, sans discuter, soulevé de terre et expulsé de la carlingue sans ménagement. Puis, à l’abri des regards, l’un deux m’a mis à terre, enfoncé le genou dans la côte, puis levé, tordu le bras et mis face contre le mur. J’avais décliné ma fonction d’élu. On m’a répliqué que « ça ne changeait rien », que j’étais « à égalité avec n’importe quel citoyen ». Puis nous avons été mis en garde à vue pendant cinq heures. C’est une forte mobilisation militante, notamment d’élus communistes et d’autres élus de gauche, qui nous a libérés. L’après-midi, j’ai appris que la famille Raba n’avait pas été expulsée, lors du tansfert à Paris, dans les conditions que l’on sait. Hélas, elle a quand même été expulsée plus tard, depuis Toulouse, par un avion militaire dépêché pour ça.
Au fait, on me passe au tribunal pour un retard d’une heure d’avion. Mais combien a coûté ce transfert militaire ? J’ai agi avec ma conscience, en militant, en élu, en citoyen, devant une expulsion injuste et inhumaine. J’ai été molesté : le certificat médical dit : « choc psychologique important » et « fracture fermée de côte ». J’ai eu une « incapacité totale de travail personnel » de huit jours. Mais c’est moi qu’on traîne devant le tribunal correctionnel !

Je ne suis pas le seul : il y a Valérie Boukobza, directrice d’école maternelle mise en garde à vue, Kadidja, une jeune femme de Seine-Saint-Denis, ainsi que Florimond Guimard dont le procès aura lieu à Marseille le 20 avril. Je serai au rassemblement, à ses côtés. Je reviendrai sur le comité de soutien qui s’est créé en Isère et en Rhône-Alpes. Je remercie chaleureusement Marie-George Buffet qui a tenu à m’apporter son soutien lors de son passage en Rhône-Alpes.

Vu sur le site de l'Humanité :
http://www.humanite.fr/journal/2007-04-02/2007-04-02-848872