Pour qu'un enfant de deux ans meure, il n'est « pas indispensable » que son père soit là

Pour qu'un enfant de deux ans meure, il n'est « pas indispensable » que son père, sa seule famille en France, soit là pour lui tenir la main.

J'ai failli oublié de relayer l'info mise en ligne par Maître Eolas. Pourtant elle confirme la longue liste des dérives progressives de notre démocratie. On connaissait les bavures de la police, les dérapages des fonctionnaires de la pénitentiaire -souvenons nous de cette femme enceinte menottée à son lit d'hôpital, l'inhumanité de certains politiques qui font diffuser des "répulsifs" anti-sdf ou qui refusent de donner à manger aux enfants de sans-papier. Je constate aujourd'hui que notre faculté à nous opposer s'amenuise et qu'elle touche désormais les juges. Cette vision étriquée du droit manque d'abord d'humanité. Et c'est l'envie de vomir qui au bout du compte l'emporte.

Un extrait du billet de Maître Eolas : Pas indispensable

(...) Malgré tout, je pense que certaines décisions doivent être difficiles à prendre.

Le 29 juin dernier, la Cour administrative d'appel de Lyon a ainsi validé l'éloignement d'un ressortissant croate qui avait fait l'objet, le 10 mars 2005, d'une interdiction du territoire de trois ans (...). Le requérant, âgé de dix-neuf ans, était entré irrégulièrement en France le 27 juillet 2006, pour y rejoindre son fils, âgé de deux ans, hospitalisé pour une leucémie.

La cour a jugé que si l'état de santé du jeune enfant nécessitait la poursuite de son traitement en milieu hospitalier en France, et qu'il était établi que son père venait souvent à son chevet, alors que la mère de l'enfant étant incarcérée en Espagne, et qu'aucun autre membre de la famille de l'enfant ne résidait en France, il était néanmoins licite pour le préfet de l'Ain d'ordonner la reconduite à la frontière du père de cet enfant, car, je cite : « ladite présence ne revêt pas un caractère indispensable ».

C'est vrai.

Pour qu'un enfant de deux ans meure, il n'est « pas indispensable » que son père, sa seule famille en France, soit là pour lui tenir la main.

C'est en France.

C'est en 2007.

Je voudrais avec Eolas souscrire des deux mains à la position de Augustissime

Le zèle du préfet dans ce dossier est indéfendable, aucune règle ne lui impose ce comportement.

Le dossier appelle tout de même de sérieuses interrogations sur le juge administratif. Certes il juge en droit, mais on sait que, dans l’histoire, le droit a pu conduire au juste et à l’injuste, et même à l’inhumain, avec la même rigueur. Et si nous sommes dans un état démocratique, toute démocratie connaît ses limites et ses aberrations.

Alors, pourquoi ce juge n’oublie pas un instant sa connaissance du droit pour commettre une erreur d’appréciation, par exemple en considérant que la présence du père est indispensable, quitte à ce que son jugement ait de fortes chances d’être cassé ultérieurement ? A ce moment, l’enfant sera peut-être guéri et l’affaire n’aura plus le même caractère dramatique.

Après tout, notre juge administratif voit sans doute certaines de ses décisions cassées : une de plus, une de moins, sa carrière ne va sans doute même pas en pâtir. Sans doute sa mission est-elle de dire le droit, rien que le droit, mais la décision rendue n’est pas la meilleure manière d’y parvenir in fine. Et on a bien vu la cour de cassation elle-même tordre la loi à la marge.

Tout peut être perdu fors l'honneur.