Point presse de Vincent LENA, Secrétaire national à la Solidarité urbaine et de Julien DRAY, Porte-parole du parti socialiste

Réaction à la présentation du plan banlieue du gouvernement

Intervention de Vincent LENA

Le président de la République ne s’est pas adressé aux habitants des quartiers mais aux autres. On a à chaque fois le sentiment que Nicolas SARKOZY parle de ces banlieues comme d’un problème, voire comme un problème d’ordre public. La seule plus-value qu’il apporte au plan préparé par Christine BOUTIN et par Fadela AMARA est l’annonce de renfort de 4000 policiers de quartier qui n’est qu’un redéploiement de forces de l’ordre non pour réinventer la Police de proximité que nous appelons de nos vœux. Nicolas SARKOZY n’a pas choisi le terrain pour faire ses annonces et le décor en carton-pâte de l’Élysée offrait une vision lointaine que les habitants des quartiers ont du mal à percevoir.

Sur le fond, ce plan engendrera une grande déception, car il n’est pas à la hauteur des enjeux. Ce n’est qu’un mini plan, de mesurettes destinées à l‘insertion des jeunes. Bien qu’elles ne soient pas mauvaises en soi, ces mesures sont un recyclage de plans connus depuis 30 ans et qui allaient tous dans la même direction (écoles de la 2èmes chance, adultes-relais, tutorat et accompagnement en ZEP). C’est aussi un recyclage de crédits. Ces mesures pour l’essentiel ne s’adressent qu’à une population très restreinte d’une dizaine de quartiers alors qu’on en compte 750 en difficulté, soit plus de 5 millions d’habitants. Derrière, il n’y a pas de financements nouveaux dégagés. Les crédits du ministère de la Ville serait en décroissance de 12 % cette année, ce qui signifie que ce plan ne sera pas financé, hors le recyclage des crédits pour le grenelle de l’Environnement, ceux pour les contrats de ville ou ceux des collectivités locales.

Il faut s’attendre à une forte déception sur le terrain et c’est là sans doute le constat le plus grave. L’addition d’un style clinquant et de mesures dont les gens ne verront jamais la mise en œuvre sur le terrain, risque de renforcer ce sentiment d’abandon et l’idée que la République ne s’adresse pas à tous. « Lève-toi tôt et le ciel t’aidera ! » est perçu comme un appel ambigu notamment quand l’école confessionnelle est priée de venir au secours de l’échec de l’école publique dans les banlieues.

Fadela AMARA n’a pas non plus gagné son pari, un pari qui consistait par sa présence et son franc-parler à influencer la politique du gouvernement qui est largement responsable de la politique très dégradée dans les banlieues. Le logement social est à son niveau le plus bas, 30 000 logements alors que l’on était à 50 000 il y a quelques années. Même constat pour la politique de sécurité qui est un échec, car il n’y a jamais eu autant de violences dans les banlieues. Le dépeçage de l’Éducation nationale de ses adultes-relais dans les établissements scolaires, lié à la disparition de la carte scolaire, tous ces éléments montrent que Fadela AMARA a échoué à peser sur les orientations de la politique du gouvernement.

Le président de son côté a tancé les ministres qui n’ont pas apporté de contributions importantes. Ils leur demandent de rendre leur copie après les élections en juin prochain, mais il s’agit là encore de promesses après la campagne électorale.

Ce que ferait la gauche ? Après Vaulx-en-Velin, nous avons réuni la gauche et nous avons travaillé à une politique de solidarité urbaine dont vous retrouverez les principaux dans le dossier de presse. (*)

Urgence à appliquer la loi SRU que la gauche a voté en 2000, et qui figurait déjà dans le rapport BONNEMAISON de 1982, car c’est un devoir de solidarité urbaine. Absence des zones franches urbaines du discours de Nicolas SARKOZY qui coûtent 400 millions d’euros par an, alors que cet argent pourrait être employé autrement pour aider les jeunes. Le rétablissement de la Police de proximité ciblé uniquement sur les zones d’émeutes urbaines ne suffit pas. Il nous faut une véritable Police de proximité, telle que celle que nous avions commencé à mettre en place. Enfin, il faut donner aux communes les plus pauvres les moyens d’installer des vrais services publics.

Enfin, rendons hommage à nos élus de terrain souvent de gauche et qui font un travail remarquable. Ce sont les derniers résistants face à la société du ghetto et les Français sauront les remercier. Car le véritable plan banlieue est de voter pour ces élus de gauche pour les prochaines élections municipales.

Intervention de Julien DRAY

Puisqu’on fait une politique d’évaluation au sein du gouvernement, mise en place par Éric BESSON, on peut dire que le plan banlieue de Nicolas SARKOZY est en-dessous de la moyenne. 9 mois de travail, beaucoup d’énergie déployée par Fadela AMARA mais à l’arrivée en matière d’emplois et de désenclavement, il n’y a pas de souffle, pas de vision. On a un président de la République qui est beaucoup moins à l’aise que d’habitude, très à la peine, non seulement à cause du contexte, mais surtout parce qu’il n’y a pas le souffle attendu. Il n’y pas d’élan en faveur de cette grande politique de civilisation urbaine que l’on attendait de la part du chef de l’État.

Le débat ne porte donc pas sur les mesures car ce sont pour la plupart des élus de gauche qui sont en première ligne dans cette lutte contre la ségrégation et contre les discriminations. Tout ce qui améliore la vie quotidienne, nous le soutiendrons, mais on ne sent pas de la part de l’État cette préoccupation majeure, cette volonté nouvelle qui devait présider à l’élaboration de ce plan. On est un peu dans la même situation qu’Éric RAOULT en 1995 qui avait dû accoucher d’un plan banlieue, bien loin du plan Marshall voulu par Jacques CHIRAC à l’époque. Il y a en fin de compte beaucoup de similitudes entre le septennat chiraquien et le quinquennat de Nicolas SARKOZY.