Toute l'histoire est révélée sur "A l'école des sans-papiers" :

Gracia, 5 ans, et Béni, 3 ans, privés de cantine

Comme beaucoup de membres du RESF, l’un des premiers gestes du matin: parcourir les mails de la nuit. Content quand on n’apprend pas que telle famille ou tel père a été levée en pleine nuit pour être traînée vers un avion après des heures de route menotté.

Ce matin, message de Jean-Michel :
Monsieur CASTAGNA[1], ci devant maire de DIGOIN en Saône et Loire, a donné ordre à ses agents de ne pas ouvrir ses services aux familles de sans papiers. Effet immédiat : Gracia, 5 ans, et Béni, 3 ans, scolarisés à la maternelle du Centre, n'ont plus accès à la cantine.

Richard Moyon

Précision: Joint par Libération, la mairie a confirmé l'interdiction de cantine pour ces enfants d'origine congolaise, dont la mère fait l'objet d'une procédure d'expulsion depuis juin. «Contrairement à la scolarisation, la cantine n'est pas une obligation, explique le responsable des services administratifs de la ville UMP. La maire a donc décidé de ne pas se mettre en travers de la décision de la préfecture. Cette décision vaut aussi pour ceux qui ne peuvent payer la cantine».

Monsieur Maxime Castagna,

La décision que vous venez de prendre d'interdire la cantine aux enfants de sans papier est tout simplement scandaleuse.

Pouvez vous me dire qu'elle pourrait être pour vous ou pour votre ville le bénéfice à ce que Béni - 3 ans - reste le ventre vide le midi ? Avez vous une quelconque raison de penser que des enfants de 3 et 5 ans aient quelque chose à se reprocher à eux pour justifier de leur exclusion ?

Pour aussi pitoyable qu'il soit le motif invoqué de "ne pas se mettre en travers de la décision de la préfecture" est à l'évidence un paravent bien maigre. En quoi le fait que Béni (3 ans) et Gracia (5 ans) mangent à la cantine pourrait il bien entraver une décision de la préfecture ?

Recevez, Monsieur, l'expression de mes salutations mais pas celle de ma considération.

< Edit du 29>
J'apprends par l'AFP que la mairie de Digoin lève son "interdiction d'accès à la cantine à deux enfants de 5 et 3 ans", tant mieux !

Mais le contenu de la dépêche n'est pas rassurant. Ce ne serait pas la mobilisation -en particulier sur le net- ou les mots sans ambigüité du MRAP qui aurait fait plier le maire, mais le fait que la situation de la maman soit en voie de régularisation.

Je suis effaré d'apprendre que l'interdiction n'a été levée qu'après que le maire se soit assuré de "disposer d'une autorisation provisoire de séjour et de garants pour le paiement de la cantine pendant la durée de l'année scolaire".

Monsieur Maxime Castagna,

Je vous ai écrit hier pour m'indigner de votre décision d'interdire la cantine à Béni (3 ans) et Gracia (5 ans).

Je suis aujourd'hui scandalisé de la manière dont vous persistez dans des attitudes indignes. Je pense même que votre décision de lever l'interdiction après vous être assuré de "disposer d'une autorisation provisoire de séjour et de garants pour le paiement de la cantine pendant la durée de l'année scolaire" est contestable légalement. A ma connaissance il n'existe pas de texte qui vous autorise à solliciter la fourniture d'une autorisation de séjour pour justifier d'un accès à la cantine. Et je serai surpris d'apprendre que vous demandez à tous les parents sans distinction de présenter des garants "pour le paiement de la cantine pendant la durée de l'année scolaire". Dans le cas contraire, il vous faudra justifier sur quelle base juridique la distinction que vous faite entre les familles auxquelles vous demandez des garanties et celles pour lesquelles vous n'en demandez pas, ne s'appuie pas sur une coupable discrimination (article 225-1 du code pénal).

De la même façon, j'ose espérer (mais pour tout vous dire, compte tenu du contexte et au risque du procès d'intention, j'en doute) que le rappel au règlement[2] est une pratique systématique pour tous les parents que vous recevez quelque soit leur origine, leur sexe, leur situation de famille, leur grossesse, leur apparence physique, leur patronyme, leur état de santé, leur handicap, leurs caractéristiques génétiques, leurs moeurs, leur orientation sexuelle, leur âge, leurs opinions politiques, leurs activités syndicales, leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Enfin de grâce, ne faisons pas subir à des enfants innocents les contre-coups de nos querelles d'adultes. Pour le MRAP, "instrumentaliser politiquement des enfants pour servir une politique à la fois cruelle et inhumaine relève de l’indécence, de l’immoralité et de l’irresponsabilité". S'en prendre à des enfants de 3 ou 5 ans ne fait que remuer les relents vichyssois d'une politique nauséeuse.

Notes

[1] http://www.cg71.fr/jahia/Jahia/cache/bypass/pid/12?fiche=canton&id=114

[2] Au cours de cette réunion, "le maire lui a rappelé le règlement intérieur des restaurants scolaires, les droits et les devoirs qui s'y rattachent", a-t-on précisé.