Le premier ministre a présenté les priorités de la Présidence portugaise

Intervention de Monsieur le Premier-ministre

Monsieur le Président de l’Assemblée de la République Mesdames et messieurs les parlementaires

1. Une présidence pour une Europe plus forte

Le Portugal assumera à son tour la présidence du Conseil de l’Union européenne dès dimanche prochain. C’est là l’occasion pour le Portugal de réaffirmer son ferme engagement vis-à-vis du projet de construction européenne.

Nous savons combien les intérêts du Portugal se jouent dans la construction de l’Europe. J’appartiens, pour ma part, à cette génération d’hommes et de femmes politiques et de citoyens qui sont déjà nés avec le projet européen et qui le voient toujours comme étant l’un des projets les plus importants et généreux, non seulement pour l’Europe mais pour le monde entier. C’est pourquoi, je tiens à affirmer ici l’idée-force qui fixe le cap de la présidence portugaise du Conseil de l’Union européenne : une Europe plus forte pour un monde meilleur.

Nous voulons une Europe à même de transposer les impasses qui lui ont raccourci le pas. Une Europe capable de relever les défis mondiaux et de saisir les chances qui lui sont offertes en ces temps de mutation. Une Europe qui sache bâtir de nouveaux ponts de dialogue et qui ait une voix plus présente et plus décisive dans un monde en quête de stabilité, de justice et de développement.

La présidence portugaise s’articule, de ce fait, autour de trois axes majeurs : la réforme des traités ; un agenda visant la modernisation des économies et des sociétés européennes ; et le renforcement du rôle de l’Europe dans le monde.

2. La réforme des traités

Le principal défi consiste, naturellement, à relancer le processus de reforme des traités. L’accord obtenu lors du dernier Conseil européen s’est traduit en un mandat clair et précis, ce que le Portugal a toujours jugé être indispensable.

De ce fait, j’ai décidé de convoquer la Conférence intergouvernementale pour le 23 juillet prochain. Son ouverture interviendra en marge du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union. Notre objectif est clair : ne pas perdre la dynamique de l’accord qui vient d’être obtenu à Bruxelles et faire adopter le plus vite possible un nouveau traité pour l’Union européenne.

Le mandat adopté par le Conseil européen introduit un changement de taille : le traité faisant l’objet de négociations a changé de nature. En effet, nous avons abandonné la démarche visant à adopter un Traité constitutionnel et nous avons repris la tradition des amendements aux traités existants. Ainsi, le nouveau Traité sera plutôt un traité international, sans nature constitutionnelle, et il ne prétendra plus remplacer, en bloc, les traités aujourd’hui en vigueur.

Par ailleurs, le mandat permet de préserver l’équilibre institutionnel préalablement convenu, en n’amendant que la date à laquelle ladite double pondération des voix au sein du Conseil prendra effet (cette date est renvoyée en l’an 2014, assortie d’une période transitoire jusqu’en 2017). A cet équilibre s’ajoute un renforcement des conditions d’application du « Compromis de Ioannina », dans le but de sauvegarder au mieux la position de minorités expressives lors des votes en Conseil des ministres.

Selon les termes du mandat accordé, la structure en piliers de l’Union européenne est elle aussi abolie, ce qui consacre une personnalité juridique unique et constitue une simplification remarquable.

Nonobstant, les procédures de décision propres se maintiennent dans le domaine de la Politique extérieure et de sécurité commune ; le mécanisme de coopération structurée dans le domaine de la défense est intégralement récupéré ; et le Haut-représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (le poste de ministre des Affaires étrangères tombe), se voit confié la vice-présidence de la Commission européenne et il lui revient de présider au Conseil des ministres des relations extérieures.

Sur le plan de la citoyenneté européenne, le mandat adopté préserve la reconnaissance de la valeur juridique de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sauf quant à son application juridictionnelle au Royaume-Uni. A cet égard, il est bon de rappeler que l’adoption d’une Charte des droits fondamentaux qui enserre une telle valeur juridique et met sur un pied d’égalité les droits civiques et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels, correspond non seulement à un renforcement du socle de la citoyenneté européenne mais encore à une affirmation de nos valeurs civilisationnelles, des valeurs qui sont communes à l’identité de tous les Européens.

Ceci étant, permettez-moi de souligner une innovation importante relative à ce mandat : à savoir, le renforcement du rôle des Parlements nationaux visant à contrôler le respect du principe de la subsidiarité par les institutions européennes. Il s’agit d’un mécanisme de nature préventive fixant que, lorsque la moitié des Parlements nationaux soulèvent des objections par rapport à une initiative de la Commission, si elles sont fondées sur une violation du principe de la subsidiarité, le Conseil et le Parlement européen seront expressément tenus de délibérer quant au maintien de ladite proposition ou quant à son retrait. Le traité que nous allons préparer renforcera le rôle des Parlements nationaux.

Monsieur le Président Mesdames et messieurs les parlementaires

Un mandat n’est pas un traité. Grâce à ce mandat l’Europe a choisi le chemin qu’elle entend suivre. Mais il nous reste à le parcourir. Un travail exigeant, intense et complexe nous attend. Il nous incombe de parachever cette tâche. Et je ne me fais pas d’illusions à cet égard : les pourparlers et la concertation seront de mise. Si bien que nous devrons être prêts à faire face aux problèmes qui peuvent poindre et qui se manifestent si souvent alors que les négociations sont en passe d’aboutir. Mais nous nous y attelons avec confiance. Nous sommes préparés et nous entendons conduire les travaux de la Conférence intergouvernementale dans le but d’arriver à un nouveau traité pour l’Europe, un traité à la hauteur de cette nouvelle époque.

3. Un agenda visant la modernisation de l’économie et de la société européenne

Cependant, la réforme des traités ne correspond qu’à une seule partie de la tâche qui est la nôtre, quoiqu’il s’agisse d’une part importante. L’Europe doit investir davantage sur l’agenda de la modernisation. La « Stratégie de Lisbonne » se situera, une nouvelle fois, au centre de nos préoccupations. Nous veillerons à lancer un nouveau cycle de l’« Agenda de Lisbonne », qui devra être approuvé au printemps de 2008, lors de la présidence slovène. Sachant que nous préparerons ce nouveau cycle tout en préservant l’équilibre entre les trois volets de cet Agenda : le volet économique, le volet social et le volet environnemental.

En outre, nous ouvrirons le débat relatif à un plan d’action technologique en matière d’énergie, en mettant la tonique sur la question de l’efficacité énergétique, et nous mettrons en exergue le rôle des biocarburants, en particulier dans le cadre des relations entre l’Union européenne et le Brésil, que nous envisageons d’approfondir. A l’instar, nous poursuivrons la préparation de la position de l’Union au titre de la conférence qui se destine à débattre le cadre de référence post-Kyoto.

Nous introduirons encore dans l’agenda européen le thème concernant la pénurie d’eau ainsi que celui des situations de sécheresse et nous relancerons le débat visant à mettre en place les bases effectives d’une politique maritime européenne.

De même, nous voulons donner à la dimension sociale de la « Stratégie de Lisbonne » l’importance et la visibilité qu’elle mérite. Dix ans se sont écoulés sur le lancement de la « Stratégie européenne de l’emploi », le moment est arrivé de promouvoir le débat sur les meilleurs modes de coordination des politiques de l’emploi, afin de favoriser la création durable de postes de travail dans le contexte actuel de compétition à l’échelle mondiale. Cette ligne d’action de la présidence portugaise devra s’articuler avec la qualification des ressources humaines, la conciliation entre travail et vie familiale, la lutte contre la pauvreté, sans éluder le débat sur la “flexisécurité”, ainsi dénommée, qui s’inscrit dans l’ordre du jour européen. Ce débat devra viser des solutions à la fois intégrées et équilibrées, en faisant en sorte qu’elles se traduisent, dans la pratique, par des principes généraux et communs au plan européen, tout en prenant en considération la diversité des réalités sociales des différents Etats membres de l’Union.

Le renforcement de la coopération policière et judiciaire dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée ne cessera d’être inscrit à notre agenda. Toutefois les exigences de la sécurité ne peuvent pas mettre en cause la nature ouverte et tolérante de nos sociétés. C’est bien le Portugal qui a proposé la solution technologique (SIS-ONE4ALL), du reste c’est une société portugaise qui l’a conçue, pour que les nouveaux Etats membres puissent adhérer pleinement à l’espace Schengen et pour que les frontières avec ces pays puissent disparaître à l’issue de la présidence portugaise. Nous nous acquitterions, de la sorte, de l’une des plus grandes aspirations des européens : la libre circulation des personnes.

4. Le renforcement du rôle de l’Europe dans le monde

Monsieur le Président Mesdames et messieurs les parlementaires

Le moment que nous vivons actuellement au niveau international demande à l’Union européenne d’assumer des responsabilités spéciales. L’Europe se doit d’avoir un rôle de protagoniste, un rôle plus actif sur la scène internationale.

Au cours de ce second semestre de l’année 2007, il faudra trancher sur une série de questions délicates de l’agenda mondial dont les décisions ne peuvent être reportées (l’avenir du Kosovo ; le dossier nucléaire de l’Iran ; la crise humanitaire au Darfour, etc.). C’est d’ailleurs le propos d’un ensemble de sommets bilatéraux d’une importance capitale avec : l’Inde, la Chine, la Russie et l’Ukraine. Les relations avec les Etats-Unis feront également l’objet d’un suivi soutenu au titre de l’importance stratégique dont se revêt la relation transatlantique.

Mais la présidence portugaise entend marquer de son sceau trois initiatives dans le domaine de la politique extérieure européenne : le sommet avec le Brésil, les conférences euro-méditerranéennes et le sommet avec l’Afrique.

Le Portugal a choisi de commencer sa présidence de l’Union par un sommet nouveau : le Sommet avec le Brésil. Ce sera là, sans doute, une empreinte considérable pour la politique extérieure de l’Union et qui apportera certainement une cohérence aux relations que l’Europe entretient avec les puissances économiques émergentes. L’Europe tient déjà des sommets annuels avec la Chine, avec l’Inde et avec la Russie. Dorénavant, à partir de la présidence portugaise, elle aura aussi des sommets réguliers avec le Brésil. Grâce à cette initiative, le Portugal apporte son concours spécifique et enrichit la politique extérieure européenne, en promouvant une relation formelle, aux bénéfices réciproques, aussi bien pour le Brésil que pour l’Europe.

Quant aux Conférences EUROMED, elles s’inscrivent dans la priorité que nous avons décidé de donner à la coopération avec le Sud, dans le cadre du Processus de Barcelone et de la Nouvelle politique de voisinage. D’autant plus qu’elles mettent en évidence l’importance que nous accordons à la relance d’un débat politique de fond avec nos partenaires de la rive sud de la Méditerranée et, en particulier, dans les domaines du développement et des migrations.

Enfin, je voudrais souligner celle qui est, à mon sens, l’initiative majeure de notre présidence : le Portugal se propose de réaliser au mois de décembre le deuxième Sommet entre l’Union européenne et l’Afrique. Il y a sept ans que l’Europe n’a pas de dialogue institutionnel structuré avec l’Afrique – ce qui constitue une lacune incompréhensible de la politique extérieure européenne. S’il existe un pays qui ne peut se résigner à cet état de fait et qui mettra tout en œuvre pour dépasser cette situation, c’est bel et bien le Portugal. Nous avions déjà été à la base du premier sommet, et le dernier en date, au Caire en l’an 2000, et nous voulons être encore une fois les tenants d’un nouveau partenariat stratégique entre l’Europe et l’Afrique, compte tenu des objectifs de développement durable, de paix, de lutte contre les maladies endémiques et de la gestion équilibrée et mutuellement avantageuse des flux migratoires.

5. Construire des consensus pour faire avancer le projet européen

Monsieur le Président Mesdames et messieurs les parlementaires

Nous avons conscience que nous assumons la présidence à un moment sensible de la conjoncture internationale et que nous sommes face à des impasses et des blocages qui persistent en Europe depuis trop longtemps. Cette présidence exigera que nous fassions preuve de rigueur, de professionnalisme et de discipline. Les présidences, en soi, ne règlent pas tous les problèmes, mais elles peuvent imprimer la différence – si elles se fixent des objectifs clairs, si elles sont humbles quant à la façon de procéder et si elles ont la volonté de s’attaquer aux problèmes, elles seront en mesure de déclencher les consensus indispensables entre tous les Etats membres dans le but de faire avancer le projet européen.

Il en va de notre ferme intention. Nous nous maintiendrons en rapport permanent avec le Parlement européen et nous comptons sur l’étroite collaboration de la Commission, en particulier, de son président, M. Durão Barroso. Nous espérons aussi pouvoir compter sur l’appui du Haut-représentant pour la Politique extérieure, M. Javier Solana. Et je ne doute nullement ni de la volonté ni de l’engagement de tous nos partenaires européens.

Je suis surtout confiant quant à la qualité et au professionnalisme de notre diplomatie et de tous nos spécialistes qui, aux divers niveaux, embrasseront les responsabilités inhérentes à cette présidence. Et, plus, je sais pouvoir compter sur le soutien des Portugais, pour lesquels le projet européen a toujours représenté un objectif politique majeur, qui repose sur un vaste consensus national.