vendredi 16 novembre 2007

Epître à un ami qui réfléchit à s'engager

Epître à un ami qui réfléchit à s'engager. Un mot d'abord, j'ai titré "réfléchit" pas "hésite", c'est important !

L'autre jour, j'ai reçu d'un ami proche une demande de conseil: J'y vais, j'y vais pas ?

J'ai beaucoup hésité (là si !) à la meilleure façon de lui répondre. Sa question est intime et des détails locaux seraient très malvenus. Je ne voudrais en aucune façon étaler un échange personnel sur la place publique. De toute façon, il connaît mon avis. Il se résume en un mot :

Fonce !

Mais au delà de sa situation, pour lui mais aussi pour tous les amis qui souhaitent s'engager, je voudrais livrer au débat 5 raisons simples et précises :

  1. Ya pas ka ![1]
  2. des idées, des idées, des idées ![2]
  3. Virez moi cette bande de nazes ![3]
  4. Tu diras quoi, demain, à tes enfants ?[4]
  5. Pourquoi pas ?

Notes

[1] "C'est pas l'tout d'y dire ; faut y faire" disent les mauriennais. Il est toujours plus facile de critiquer que d'agir. Je suis, moi aussi, sujet à ce genre de discours : ah, si "on" m'avait écouté ; ah, s'ils étaient moins bornés, moins cons, moins ... ; ah, j'l'avais dit ! ; yzauraientcas. Mais concrètement qu'est ce que j'ai fait pour que ça change ? Bon d'accord, j'ai voté (pour le(a) moins pire) et après ? Yaka, ça suffit pas ! Définitivement Yapaka !

[2] Les bonnes sont rares, pourquoi les gâcher en les laissant au grenier ou au bistrot ? Faire de la politique c'est d'abord avoir des idées, une vision du monde, un projet d'avenir, une envie de changement. C'est forcement frustrant, décourageant parfois, mais le combat politique trouve sa noblesse dans cet affrontement des idées. Quelle est la meilleure idée pour faire demain un monde meilleur ?

[3] Sont nuls, comprennent rien, font pas ce qu'il faut ... Alors remplaçons les ! La démocratie (même sarkozienne) permet encore de confier les commandes à des gens en qui on a, on fait confiance. Si ça va pas faut en changer. Et qui est le mieux placé pour parler en mon nom, pour porter mes idées, pour faire aboutir les combats que je sais justes ?

[4] Arrivé à un certain degré de danger et/ou de conviction, l'engagement politique ou autre est pour moi un devoir. Resterons nous passifs devant ces soi disant élites qui montent les personnes les unes contre les autres, pillent la planète, piétinent les valeurs, nous prennent pour des moutons, décident de nos vies, ... ? Je fais quoi pour changer ? Il est urgent d'attendre ou d'agir ? Et quand demain dans mon désert mes enfants demanderont c'était comment avant ? Qu'est-ce que t'as fait pour qu'on en soit là ? Je leur dirais quoi ? J'ai pas pu ?

Dossier Retraites : les conditions de la réforme

2/ Danièle Karniewicz : “La capitalisation, c’est spolier toute une génération” (l'original)

Danièle Karniewicz, présidente du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) des salariés, dresse un état des lieux du système de retraite: ses avantages, ses failles, les moyens de le préserver.

L’attention est aujourd’hui focalisée sur les régimes spéciaux, accusés de tous les maux. Les réformer suffirait-il à régler la question du système de retraite ?

Ce n’est assurément pas cette seule réforme qui permettra de s’adapter à l’enjeu démographique auquel la France se trouve confrontée. Certes, les Français demandent aujourd’hui plus d’équité dans les efforts à fournir pour maintenir le système par répartition. Au niveau de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), nous avons beaucoup de réactions de salariés du privé qui ne veulent plus de cette situation. Il faudra donc certainement revoir la question des régimes spéciaux. Mais cette réforme à elle seule n’apportera pas une solution financière suffisante. Surtout que seuls les régimes des agriculteurs, des commerçants et des artisans sont déficitaires.

Par ailleurs, la méthode avancée par le gouvernement me semble un peu curieuse, même si elle ne vise qu’à prendre la température de l’opinion. On ne peut pas d’un côté afficher une volonté de dialogue avec les partenaires sociaux et de l’autre annoncer d’emblée que la solution consiste à aligner les régimes spéciaux sur celui de la fonction publique.

Le dialogue avec les partenaires sociaux doit donc être une première étape indispensable ?

Certainement. Il existe une quarantaine de régimes spéciaux. Leur réforme exige une vraie négociation, entreprise par entreprise. Et il est tout à fait normal de laisser l’initiative aux partenaires sociaux.

Au-delà, ne faut-il pas envisager une réforme globale ?

Le vrai problème est celui du vieillissement de la population, qui menace le système par répartition. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de retraités et de moins en moins d’actifs. Et cette question du solde démographique est valable pour tous les régimes. Cependant, certains secteurs sont plus touchés que d’autres. C’est le cas de l’agriculture, par exemple. Mais c’est justement la force du système par répartition. Il permet d’aider tous les régimes et d’assurer la solidarité.

L’épargne privée vous semble-t-elle être une solution ?

Laisser croire que la capitalisation constitue une meilleure réponse démographique est totalement mensonger. Le seul cas de l’Argentine suffit à le prouver. Ce pays a misé sur les fonds de pension. Résultat, nombreux sont les Argentins qui se retrouvent aujourd’hui dans la misère. Et les exemples de ce type abondent.

Une telle solution est juste synonyme d’un moindre engagement de l’État. Elle reviendrait à spolier toute une génération et à rendre la situation encore pire pour de nombreuses personnes. Même pour celles qui ont des ressources suffisantes, mais qui ne savent pas forcément placer leur argent sur le marché. Je reviens tout juste du premier Forum mondial de la sécurité sociale, qui s’est tenu à Moscou.

Tous les pays raisonnent désormais en termes de retraites privées. Comme la Russie qui ne compte que sur les fonds de pension. Même la France s’oriente de plus en plus vers l’épargne privée. On ne peut qu’y voir le résultat de la pression des banques et des assurances. Voilà ce qui menace le système par répartition.

L’autre danger qui pèse sur ce système n’est-il pas la baisse des pensions ?

Les réformes successives sont en effet allées dans le sens d’une baisse des pensions. Depuis la réforme Balladur, en 1993, le salaire moyen de référence, base de calcul de la pension, est calculé sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10 meilleures. Évidemment, une telle mesure a un énorme impact. Il est plus difficile aux salariés, notamment aux femmes, de trouver 25 années de salaire convenable.

Dix ans plus tard, avec la loi Fillon, la situation s’est encore dégradée. Les pensions ne sont plus indexées sur les prix mais sur l’évolution générale des salaires. Cette réforme a elle aussi conduit à une réduction considérable du niveau général des pensions. Toutes ces réformes ont pesé sur le niveau de pension. Aujourd’hui, le gouvernement veut également jouer sur la durée de cotisation. Dans cette logique, la loi Fillon de 2003 a prévu d’augmenter les annuités à partir de 2009. Pour une retraite à taux plein, il faudra alors cotiser 40 ans. Et à partir de 2012, 41 ans. La vraie question est de savoir s’il faudra encore aller au-delà.

Récemment, Laurence Parisot, la présidente du Medef, a émis l’idée d’augmenter l’âge légal du départ à la retraite. Ce sera acceptable le jour où le patronat gardera effectivement dans l’entreprise ses employés jusqu’à 60 ans. Si comme aujourd’hui, ce n’est pas le cas, les gens se retrouveront au chômage et auront encore moins de points de retraite !

Outre les annuités et le plafond des pensions, sur quels autres leviers peut-on jouer pour sauver le système de retraite actuel ?

Il y a également le montant des cotisations. Il faudrait une assiette de financement plus large. On peut ainsi envisager une hausse des cotisations patronales mais cela est plus vrai pour l’assurance maladie. Le système de retraite doit rester contributif. Il faut aussi faire en sorte que les jeunes croient encore en ce système. Aujourd’hui, ils paient, mais on ne leur dit pas ce qu’ils toucheront une fois à la retraite. Ils ont le sentiment d’être laissés dans le flou. Il faudrait restaurer la confiance en fixant un seuil en dessous duquel on ne pourra pas descendre. En compensation de cette garantie, alors, on pourra leur demander un effort supplémentaire.

Le choix du système de retraite est donc également un choix de société ?

C’est pour cela qu’il est nécessaire d’expliquer à tous les Français les avantages de la solidarité. Les gens ne sont pas forcément réceptifs à cette notion. Pourtant, il n’existe pas d’autre système en mesure de mieux protéger contre les difficultés de la vie. Car la maladie, le chômage sont des épreuves que tout le monde peut malheureusement rencontrer.

Il faut aussi afficher des garanties pour les jeunes. La question de l’équité que l’on soulève actuellement au sujet des régimes spéciaux est encore plus grave quand on la pose en termes de générations. Aujourd’hui, les retraités bénéficient encore d’un bon pouvoir d’achat. Les jeunes, eux, n’ont aucune lisibilité de l’avenir n 17 et c’est bien par rapport à eux qu’il est impératif de faire porter l’effort.

À mon sens, un travail de pédagogie est donc nécessaire et, encore une fois, il faut vraiment s’élever contre ceux qui préconisent la capitalisation. Sur ce point, il me semble qu’il y a un défaut de communication et les politiques ne nous aident pas assez. Ils parlent trop d’épargne privée. Il faut une volonté de clarté du message.

Propos recueillis par Élisabeth Philippe le 17 septembre 2007


3/ Les propositions du Parti socialiste sur les retraites (l'original)

Réformer, stabiliser, améliorer

La retraite est un sujet essentiel. Aujourd’hui, notre pays connaît 13 millions de retraités. Ceux-ci seront environ 18 millions à l’échéance 2015-2017. Les réponses que nous devons apporter engagent non seulement la politique sociale du pays mais aussi la nature du pacte républicain et le contenu de la nécessaire solidarité entre générations. Elles ont des conséquences sur le pouvoir d’achat de près d’un quart de la population du pays.

1. Notre système de retraite est-il menacé ?

Il est menacé en raison des déséquilibres financiers. La branche vieillesse est en déficit de près de 4 milliards d’euros en 2007. À structures inchangées, les perspectives pour les années à venir sont encore plus sombres, d’après toutes les études objectives, en particulier celles menées par le Conseil d’orientation des retraites (COR). La situation financière des régimes spéciaux et des régimes autonomes n’est pas plus brillante. En outre, les évolutions démographiques laissent apparaître une progression d’environ 30 % du nombre de retraités dans les 10 à 15 ans à venir, sous la pression de ce qu’il est convenu d’appeler le papyboom.
Dans le même temps, le nombre d’actifs progressera de manière plus limitée : d’où un ratio retraités/actifs qui évoluera fortement au profit des premiers.
Globalement, notre société vieillit et vieillira en raison des progrès de l’espérance de vie, d’ailleurs inégaux selon les catégories socioprofessionnelles.
Simultanément, notre société connaît la tentation d’une certaine forme de capitalisation liée à la financiarisation de l’économie et à l’individualisation des comportements. Notre première réponse consiste à consolider et à améliorer le régime par répartition, garant de la justice sociale et d’une authentique solidarité.
C’est la priorité de la période.

Cette priorité suppose aussi une réduction du taux de chômage des jeunes et un engagement fort en faveur de l’emploi des seniors. Il faut rompre avec la duplicité patronale qui consiste à suggérer fortement l’allongement de la durée des cotisations et à recourir simultanément aux facilités de l’éviction du marché du travail des salariés de plus de 55 ans. L’âge ne peut plus être un élément discriminant dans l’entreprise si l’on veut relever le taux d’activité des seniors.

2. Pourquoi doit-on réformer le régime général et les régimes spéciaux ?

Tout d’abord, parce que l’échec social et financier de la réforme Fillon adoptée en 2003, qui n’évoquait pas les régimes spéciaux, estaujourd’hui patent. Les socialistes l’avaient d’ailleurs annoncé lors du débat parlementaire au printemps 2003. Cette réforme se traduit par la dégradation du taux de remplacement, par davantage d’injustices et par l’augmentation du nombre des très petites pensions.
Il y a aujourd’hui un million de retraités en dessous du seuil de pauvreté. Le déficit de la branche vieillesse approchera les 4 milliards d’euros cette année. En outre, le fonds de réserve des retraites, créé par le gouvernement de la gauche, a été très faiblement abondé depuis 4 ans.
Ensuite, parce que la renégociation de cette réforme est inscrite dans la loi de 2003. Enfin, parce que les évolutions démographiques le justifient pleinement. Cette réforme doit naturellement intégrer celle des régimes spéciaux et autonomes.
Il n’est pas possible de continuer à gérer 128 régimes particuliers et autonomes, dont certains connaissent des déficits importants et des érosions démographiques. En outre, il y a nécessité de remettre à plat les compensations et surcompensations financières accordées par le régime général des salariés depuis 1967 aux régimes autonomes (agriculteurs, petits commerçants, artisans), à concurrence de plusieurs milliards chaque année.

3. Comment réformer les régimes de retraite et les régimes spéciaux ?

  • En réaffirmant la nécessité d’une réforme globale et simultanée. Le saucissonnage envisagé actuellement par le gouvernement Fillon et le président de la République n’est pas acceptable. Il vise à diviser les salariés entre eux et à en stigmatiser certains ;
  • en engageant une négociation avec tous les partenaires sociaux, récusant toute forme d’intimidation, de passage en force, de tentation autoritaire. Les partenaires sociaux doivent être maîtres du jeu jusqu’au bout. De ce point de vue, le diagnostic partagé issu des travaux du Conseil d’orientation des retraites, mis en place par le gouvernement Jospin, représente la bonne formule et la base de toute négociation sérieuse et en responsabilité. L’objectif vise à parvenir à un système transparent, lisible, cohérent, intégrant le critère de pénibilité des métiers et corrigeant les importantes inégalités d’espérance de vie, selon les catégories socioprofessionnelles. La volonté d’homogénéisation ne doit pas conduire à l’uniformisation, quand la différence d’espérance de vie à 60 ans, selon les métiers exercés, atteint 9 ans. La prise en compte de la pénibilité de certaines professions doit devenir un critère majeur du processus de réforme.

4. Peut-on améliorer nos régimes de retraite ?

L’amélioration de nos régimes de retraite est un impératif. On ne peut pas se satisfaire du statu quo qui se traduit aujourd’hui par l’existence de plus d’un million de retraités sous le seuil de pauvreté. Pas davantage de l’érosion du taux de remplacement, qui risque d’ailleurs de se dégrader encore dans les 15 années à venir, si rien n’est engagé. Il faut agir pour l’amélioration des pensions de reversion et pour une plus grande égalité entre hommes et femmes.
Il convient aussi de s’engager à ce qu’en 2010 au plus tard, aucune pension de retraite ne soit inférieure à 80 % du Smic. Il conviendra de redéfinir, en relation avec les partenaires sociaux, les critères, le nombre et le périmètre des métiers pénibles. À titre d’exemple, est-il acceptable que des chauffeurs de camions de 38 tonnes conduisent à 60 ans et plus ? Il en va de même pour tous ceux qui sont contraints au travail de nuit.
Enfin, la réponse à tous ces défis sociaux passe par une augmentation des recettes. Rien ne se fera sans augmentation des cotisations. Reste à savoir lesquelles et dans quelles proportions. Le réabondement du fonds de réserve représente une nécessité pour des raisons de « lissage », à l’horizon 2020. Une sollicitation plus forte des revenus financiers est incontournable. La question de la majoration des cotisations, y compris patronales, doit être clairement posée. À défaut, ce serait la crédibilité même du système par répartition qui serait directement mise en cause.